Les entorses de la cheville constituent une des blessures les plus fréquentes, survenant tant dans les activités quotidiennes que sportives. Leur gestion complexe découle de leur impact significatif sur la mobilité et sur les possibilités de provoquer des douleurs persistantes si elles ne sont pas correctement prises en charge. La stabilisation initiale avec une attelle de cheville peut être cruciale, mais ne doit être que le premier pas d'une démarche thérapeutique exhaustive, visant à rétablir intégralement la fonctionnalité de la cheville. Il est essentiel de ne pas négliger d’autres pathologies spécifiques liées aux chevilles, telles que les lésions de la syndesmose tibio-fibulaire.
Anatomie : le rôle de la syndesmose, l'articulation tibio-fibulaire
La syndesmose tibio-fibulaire est une articulation fibreuse semi-mobile, située entre le bas du tibia et la fibula (péroné), elle participe aux mouvements de la cheville et à la distribution des charges à travers le membre inférieur. Elle est constituée de quatre ligaments majeurs qui assurent la liaison entre le tibia et la fibula, contribuant ainsi à la solidité et la stabilité de la cheville dans son ensemble.
- Ligament tibio-fibulaire antérieur : souvent affecté lors de blessures à la cheville, ce ligament limite la translation antérieure et la rotation externe de la fibula.
- Ligament tibio-fibulaire postérieur : limite la translation postérieure de la fibula, contribuant à la stabilisation de la cheville lors des appuis.
- Ligament transverse : agit comme un renfort du ligament tibio-fibulaire postérieur, limitant l'écartement entre tibia et fibula.
- Ligament interosseux : couvrant toute la longueur de la membrane interosseuse, il assure une bonne répartition des forces lors des déplacements.
Ces ligaments permettent une mobilité contrôlée de la cheville, absorbant les forces appliquées durant les mouvements et la marche, et protégeant l'articulation des blessures.
Lésion de la syndesmose, comment la diagnostiquer ?
Selon le consensus international de E. DELAHUNT¹ en 2019, quasiment 20% des entorses de la cheville sont concernées par des lésions de la syndesmose. Le plus souvent liée à un traumatisme, l’atteinte de cette articulation est loin d’être négligeable dans le processus de récupération.
Les causes
Les lésions de la syndesmose surviennent le plus souvent dans un contexte sportif, en particulier dans les activités impliquant des changements rapides de direction, des sauts, ou des contacts directs, tels que le football, le rugby, ou le basketball. Elles peuvent également survenir suite à des accidents quotidiens ou à des chutes :
- Lorsque que la cheville est en flexion dorsale forcée et le pied en rotation externe.
- Lorsque le pied est en rotation interne et le tibia en rotation externe.
Les symptômes
Le diagnostic de lésion de la syndesmose repose sur l'identification de symptômes tels que :
- Douleur localisée : au-dessus de la cheville, s'aggravant lors de la pression ou du mouvement.
- Gonflement : accompagné d'une sensibilité autour de l'articulation de la syndesmose.
- Instabilité de la cheville : particulièrement, lorsqu’il y a une charge.
- Difficulté à marcher : ou à supporter du poids sur la cheville affectée.
Le diagnostic clinique des lésions de la syndesmose tibio-fibulaire s’appuie à la fois sur l’imagerie médicale, l’interrogatoire au sujet des traumatismes et des symptômes ressentis, mais également sur des tests cliniques de mouvements et de palpation.
Test de dorsiflexion-compression
Ce test a pour but de reproduire la blessure à l'aide d'un mouvement du pied en dorsiflexion et en rotation vers l'extérieur et ainsi mettre en avant le point de douleur au niveau intérieur latéral de la syndesmose qui doit être soulagé par une compression médio-latérale.
Test de Kleiger (ou test de rotation externe)
Lors de la rotation externe, une douleur est ressenti au niveau de la syndesmose.
Squeeze test
Le Squeeze test permet de donner une indication du degrés de gravité de la blessure. En effectuant des compressions tout au long du tibia jusqu'aux malléoles, une douleur distale peut être ressentie, souvant significative d'une rupture (si les diagnotiques de fracture, de contusion ou de syndrome du compartiment sont écartés).
L'imagerie médicale pour confirmer le diagnostic
Les tests d’imagerie médicale permettent d’exclure les fractures et d’obtenir une évaluation et un visuel des ligaments afin d’évaluer les dommages des structures molles. Associés aux tests cliniques évoqués précedemment, l'imagerie médical permet d’établir un diagnostic qui prend en compte la notion de gravité de l’atteinte.
Les 3 grades de gravité de la lésion
Associées à une fracture de la cheville ou isolées, les lésions de la syndesmose sont classifiées selon plusieurs grades par le consensus d’experts ESSKA-AFAS². Ces grades dépendent, de la sévérité, du délai de prise en charge, de la stabilité de la lésion, de la présence d’un diastasis et selon les analyses cliniques et radiographiques. Ils sont définis de la manière suivante :
- Grade I : distension légère du ligament, associée à une syndesmose stable, une palpation douloureuse et une radiographie normale.
- Grade II : rupture du ligament tibio-fibulaire antéroinférieur, avec lésion des autres ligaments de la syndesmose, entraînant une instabilité modérée et une augmentation de la douleur et du gonflement.
- Grade III : lésions sévères et instables avec une rupture complète des 4 ligaments de la syndesmose, des signes cliniques et de l’imagerie positive d’un diastasis et d’un élargissement de l’espace clair médial.
Selon le grade, l’utilisation d'une botte d’immobilisation peut être nécessaire pour stabiliser la cheville et éviter la prise de risque avant de commencer un traitement adapté.
Le traitement spécifique d’une lésion de la syndesmose tibio-fibulaire
Le traitement doit être adapté à la gravité de la lésion, afin de restaurer la fonctionnalité de la cheville, réduire la douleur et ainsi prévenir des complications futures. Les entorses syndesmotiques peuvent nécessiter une intervention chirurgicale selon la gravité de l’atteinte. Dans les cas ne nécessitant pas d’opérations, la rééducation passe par différentes phases avec un protocole qui doit être adapté au patient.
Phases de rééducation
La rééducation se passe en plusieurs étapes :
- Phase aiguë (1-2 semaines) : l'objectif est de réduire la douleur et l'inflammation. Repos, application de froid avec une poche de glace, compression et élévation de la cheville sont recommandés.
- Phase de récupération (2-6 semaines) : introduction progressive d’exercices de mobilité et de renforcement musculaire afin d’améliorer la fonction de la cheville. L'utilisation d'orthèses, par exemple la chevillère ZAMST A2-DX, peut aider à stabiliser la cheville pour la reprise de mobilité.
- Phase de réadaptation (6 semaines et plus) : reprise des activités sportives encouragée, avec un focus sur la prévention des récidives.
Protocole de rééducation selon l'avancement
La prise en charge d’une rééducation de la syndesmose va dépendre du stade de gravité. Nous vous proposons ici un exemple de protocole à suivre dans le cadre d’une rééducation de la syndesmose de grade I :
Semaine |
Objectifs |
Activités et soins |
Semaine 1 |
Réduction de la douleur et de l'inflammation |
Repos, application de glace, compression, élévation, immobilisation |
Semaine 2 |
Début de la mobilisation, gestion de la douleur |
Mobilisation passive et active douce, utilisation de la poche de glace, exercices isométriques légers |
Semaine 3-4 |
Amélioration de la mobilité, début du renforcement musculaire |
Augmentation progressive des exercices de mobilité et de renforcement, début des exercices de proprioception |
Semaine 5-6 |
Renforcement musculaire, amélioration de la proprioception |
Intensification des exercices de renforcement, exercices de proprioception plus complexes |
Semaine 6 et plus |
Reprise des activités normales et sportives, prévention des récidives |
Reprise graduelle des activités spécifiques, entraînement à l'équilibre et à la coordination, suivi et ajustement du protocole |
Ce tableau est à titre indicatif et doit être adapté selon votre affection. Réaliser une bonne rééducation demande un accompagnement de la part d’un professionnel de la santé.
Entorse de cheville et lésion de la syndesmose, son impact dans la douleur chronique à la cheville
Les entorses de cheville sont extrêmement courantes dans la pratique clinique. Le diagnostic d’une entorse doit prendre en compte les possibilités de lésions de la syndesmose principalement en raison de l'instabilité et des dommages aux structures de soutien qu'elles provoquent. Une gestion inadéquate de ces blessures peut entraîner une douleur persistante, une instabilité chronique, et une fonction articulaire réduite, exacerbant ainsi le risque de douleur chronique. Un diagnostic précis, suivi d'un traitement et d'une rééducation appropriés, est crucial pour prévenir la douleur chronique et favoriser une récupération optimale.
La reconnaissance précoce et le traitement spécifique des lésions de la syndesmose sont donc essentiels pour éviter les conséquences à long terme et garantir une récupération complète.
Sources :
¹ Delahunt, Bleakley, Bossard, Caulfield, Docherty, Doherty, Fourchet, Fong, Hertel, Hiller, Kaminski, McKeon, Refshauge, Remus, Verhagen, Vicenzino, Wikstrom, Gribble (2018). Clinical assessment of acute lateral ankle sprain injuries (ROAST): 2019 consensus statement and recommendations of the International Ankle Consortium. British Journal of Sports Medicine, 52(15), 1304-1310.
² Dijk, Longo, Loppini, M. et al. Classification and diagnosis of acute isolated syndesmotic injuries: ESSKA-AFAS consensus and guidelines. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc 24, 1200–1216 (2016).